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Les Charbonnages, puits et bures recensées sur Flémalle:
Les mines d'Alun ou Alunières:
Histoire locale liée aux alunières:
Alunière du Bois des Moines
Avant d'aborder l'historique de cette alunière, il est utile d'avoir quelques notions à propos de l'enclave de Stavelot, dans laquelle se trouvait. l'exploitation.
La Principauté de Stavelot-Malmedy constituait une entité indépendante. C'était plutôt une grosse seigneurie d'environ 600 Km2 qui avait pu éviter l'absorption par un de ses voisins immédiats.
Au IXème siècle, l'abbaye de Stavelot, qui était déjà propriétaire de Horion, Lhonneux et Cahottes, reçut des Comtes de Hozémont, une portion de territoire lui donnant accès à la Meuse, ce qu'on appelle "l'enclave de Stavelot".
La fin de l'existence de cette enclave commença en 1885 lorsque les hameaux de la Crâne, Trokay et Usine Mage furent réunis à Chokier. Le reste fut rattaché à Flémalle en 1977, lors des fusions de communes.
L'alunière du Bois des Moines (entre Aigremont et Chokier) fut peut-être appelée ainsi parce que située sur le territoire des Moines de l'abbaye de Stavelot à moins que l'abbaye de St Jacques, dont Chokier constituait un domaine au XIème siècle, ne soit à l'origine de son nom (1).
Les droits de l'enclave de Stavelot étaient partagés entre les moines de Stavelot, les anciennes religieuses d'Awirs qui avaient habité la ferme d'Othet, la seigneurie de Chokier, celle d'Awirs, et les seigneurs de Hozémont.
Cette situation complexe allait créer d'interminables problèmes car le sous-sol de cette enclave contenait charbon et alun, et les exploitants allaient devoir composer avec toutes les autorités.
La première mention d'une alunière au Bois des Moines remonte à 1617, au moment où le Comte Jean Jacques BARBIANO de BELGIOJOSO, seigneur de Chokier, donne en location au Comte Jean de MARCHE 15 bonniers de terre appelés "bois de Horion". De MARCHE est un marchand bourgeois de Liège intéressé dans cette nouvelle industrie qu'est celle de l'alun. Il obtient en 1619 l'autorisation de "chercher et user des 15 bonniers pour une mine d'alun et usine, prendre, raffiner et livrer à la rive de Meuse en tonneaux le dit alun". La même année un autre acte nous apprend "... qu'il (De MARCHE) payera en outre 13 florins de rente pour placer des chenaux dans le reste du bois aux fins d'amener les eaux alunées depuis l'usine jusqu'à l'officine qui est sise au pied du Trokay". L'exploitation se trouvait donc au bois de Horion (au Sud de l'actuelle rue de la Crâne, ancienne campagne des Trixhes) tandis que l'officine était dans la vallée.
Mais il semblerait que le sieur De MARCHE gère mal son alunière car en 1627 la relicte (veuve) du Comte de BELGIOJOSO lui reprend ses 15 bonniers, son usine et un vignoble proche, pour cause de non paiement.
Après diverses vicissitudes, exploitation et officine passent, en 1631, en mains du beau-frère de la dame, Ludovic Barbiano. Ce dernier réside habituellement en Italie. Dans le courrier qu'il échange avec sa belle-sœur, on lit que, en plus de négliger ses paiements, le sieur De Marche a "détérioré grandement ses 15 bonniers". Les chenaux qui conduisent l'eau alunée depuis l'exploitation jusqu'à l'officine descendent à travers prés, bois et rochers, et c'est précisément la pose et la surveillance de ces chenaux qui détériorent les 15 bonniers en question. On parle, dans plusieurs actes relatifs à la seigneurie de Chokier, de dégâts causés par les exploitants de l'alunière qui ne se gênent guère pour couper des arbres afin de fabriquer les chevalets nécessaires à la pose des chenaux, laissant ce qui ne les intéresse pas "traîner dans les bois jusqu'à pourriture". Il apparaît aussi que De Marche loue uniquement l'espace nécessaire à la pose des chenaux, le reste du bois demeurant propriété du seigneur. Or, ce dernier y loue des parcelles pour la coupe et la vente des arbres, mais à cause des abus de J. De Marche, les locataires deviennent rares.
En 1640, Paul de Berlo devient seigneur de Chokier et traite avec Belgiojoso au sujet de l'alunière.
En 1648, l'alunière est exploitée par Gilles FOURNEAU, celui-là même qui est connu aux Awirs depuis 1621. Il prend possession de l'Usine Mâge et en érige une autre sur un bien appartenant à Amel delle GARDE de DIEU (nom déjà vu également) au pied des "vignes de coweis" (Mage est l'appellation wallonne de Marche, et c'est sous ce nom que l'on désigne l'alunière, même quand elle aura d'autres propriétaires). Les vignes de coweis seraient au pied du Trokav. On les retrouve souvent. dans des actes de cette époque: "...chenals qui estoit sur une pièce de terre au pied des vignes de coweis et sur un rocher sarts et bocages jusqua riwes de moese a trokeal".
En 1667, une maison Mage est mentionnée comme se trouvant au Sud du hameau qui voisine le Trokay, c'est-à-dire la Tesnière. Cet acte concerne des "terres, prés, jardins et appartenances".
En 1670, Jean De MARCHE étant décédé, l'usine est "rendue" à Mathieu FOURNEAU de Jemeppe, fils de Thomas FOURNEAU, lui-même fils de Gilles. Malgré 3 générations de FOURNEAU, l'exploitation est toujours considérée comme "ouhène Mâdge" dans certains actes.
L'alunière va encore fonctionner jusqu'au 20 novembre 1699. Le 2 décembre suivant, Jean STIENNON, maître et comparchonniers de l'ouvrage, fait apposer une affiche sur la porte pour signifier la fermeture mais aussi pour spécifier que les aluns qui s'y trouvent appartiennent à Hubert FOURNEAU le vieux et à la veuve d'Amel delle GARDE de DIEU.
Le 18 août 1700, un autre avis défend aux ouvriers et maîtres-ouvriers de brûler ou d'emporter de l'alun hors de l'usine. La mise à l'arrêt d'une alunière ne signifie donc pas la fin totale des activités. On peut ainsi la mettre en sécurité sans nuire à sa reprise éventuelle, même après plusieurs années.
En 1707, apparaît dans un acte notarial "...maison, cour, jardin, prairies, appendices et appartenances, appelés communément usine Marche".
L'ensemble est donc resté intact, et, en 1715, Fourneau remet. l'usine en activité et l'exploite jusqu'en 1730. A ce moment, elle est fortement freinée par l'abondance des eaux. Les exploitants s'orientent alors vers l'alunière d'Aigremont où ils savent qu'une areine de bonne qualité pourrait les aider.
Dès 1731, on voit arriver à l'usine Mâge, M. CLERCX, maître de l'ouvrage voisin et qui fait rendage pour 1/30; La même année, la concession s'étend vers l'Est. En 1732 et. 33, l'usine ne produit pas, ce qui ne signifie pas la cessation de l'exploitation puisqu'en 1734-35 elle sort 4.600 livres d'alun.
Il faut voir ici que, même si l'usine est en veilleuse, on continue l'extraction du schiste qu'on emmagasine sur les paires où il subit l'influence des intempéries, ce qui lui est bénéfique. Pendant ce temps, on procède aux réparations intérieures et extérieures de l'officine, travaux impossibles quand tout le mécanisme fonctionne.
L'extraction, elle, on l'arrête quand les eaux montent, dans les galeries souterraines. C'est certainement la raison pour laquelle, en cette même année 1731, la veuve Fourneau est autorisée par M. CLERCX à "Periettoyer et enfoncer quelques vieux bures pour voir s'il ne resterait pas des terres à travailler". Mais les eaux étant un obstacle, il ne sera pas possible de foncer les bures plus profondément. Mme FOURNEAU envisage donc de remettre en activité d'anciens bures moins profonds mais contenant encore du schiste propre à permettre le fonctionnement de l'usine.
L'année 1736 produit 3.000 livres d'alun tandis que 1737 voit la production tomber à 2.000 livres. Bien que l'usine soit en état de produire, il semble que les difficultés naissent du manque de matière première.
C'est en 1740 que le problème sera résolu grâce à la fusion entre le Bois des Moines et Aigremont.
Un acte du 15 septembre 1739 nous révèle qu'on pêchait dans le ruisseau du Trokay: "les eaux des ouvrages de Bois des Moines portent préjudice et dommage puisque avant l'écoulement des eaux, il y avait des truites et des poissons dans le ruisseau qu'on ne voit plus maintenant".
En 1757, Hubert FOURNEAU et les enfants VILLETTE, marchands de Liège, sont cités comme exploitants du Bois des Moines.
En 1758, un nommé Lambert TILKIN "demeure à l'usine mâge, terre de Stavelot".
En 1762, on effectue des réparations à l'usine pour une somme de 1.421 florins pour "le xhorè, l'enfoncement et le ressortement des aluns". Bénéficiant maintenant de l'areine d'Aigremont, le Bois des Moines peut aménager ses xhorres et y déverser ses eaux au fur et à mesure de l'avancement des travaux.
D’août à septembre 1762, on sait que 3 botteresses font partie du personnel de l'ouvrage du Bois des Moines.
En 1765, l'occasion d’un partage des parts dans l'entreprise, on voit apparaître Mathieu HARDY. A ses côtés, intervient Gérard Louis LAMBERMONT, Révérend Abbé agissant au nom de demoiselle WAUTHIER, religieuse d'Aulne.
En 1209, la Communauté Cistercienne d’Awirs émigra dans le Brabant wallon et donna le nom d'Aywières à leur monastère, en souvenir du village où leur couvent était né. Or, l'abbaye d'Aulne était leur maison-mère. C'est la raison pour laquelle le nom de ce Révérend apparaît dans des actes concernant l'alunière du Bois des Moines dont les galeries d'extraction s'étendaient en partie sous les terres des abbesses. Dans un autre acte, et la même année, les dames d’Aywières font rendage de la propriété des aluns, à François FOURNEAU, Jean SACRE, HAUZEUR et Mathieu HARDY, des terres qui sont "sous les vieux dommaiges de Loncin" (la famille de LONCIN fut locataire-fermier du bien d'Othet pendant plus d'un siècle, de 1630 à 1734, d'où cette formulation).
L'usine est remise en marche en 1768 après de nouvelles répartitions et partages des revenus, et dès 1769 il est de nouveau question "d'ériger une xhorre".
La production continue jusqu'en 1775 saris interruption mais un nouveau procès oppose Bois des Moines à CLERCX, toujours au sujet des xhorres et areine.
En 1775, c'est Mathieu HARDY qui est maître de l'usine. Lambert TILKIN y habite. On l'y retrouvera encore en 1781.
En 1787, Bois des Moines se propose de reprendre l'alunière St Pierre à Flémalle-Haute, laquelle est à l'arrêt.
En 1789, survient une transaction entre Bois des Moines et Aigremont pour un montant de 8.000 florins, afin de permettre à Bois des Moines de construire une xhorre rejoignant celle d'Aigremont. HAZRDY et CLERCX pensent qu'il serait bon de la construire "au rabais" dans la terre dite "le blanc pays qui cotoie les veines" (le "blanc pays" est le grand terrain qui s'étend entre le hameau de la Crâne et le Trokay, et le besoin d'y entreprendre une xhorre atteste que l'exploitation de la veine s'est fortement étendue). Le projet a-t¬il abouti ? On ne sait pas. Mais en 1795, Rome et Hennay se plaignent. à propos d'une "areine tierce" qui aurait son oeil sur Chokier, dans le Trokay. Il faut savoir que Rome et Hennay étant concessionnaires de l'alunière d'Aigremont, cette "areine tierce" orientée vers Chokier leur fait perdre des droits dont ils pourraient user si Bois des Moines se servait de l'areine d'Aigremont.
En 1794, un Commissaire français estime que l'alunière peut fournir 12.000 livres d'alun.
La même année, un nouveau rendage fait apparaître les noms de Martine Stienne et les 4 enfants de Lambert TILKIN. Ils cèdent l'exploitation à Hubert NAMUR.
En 1798, alors qu'on trouve au Bois des Moines les nommés HARDY, BYLEINE et MELOTTE, le problème de l'évacuation des eaux reste prioritaire et les difficultés à ce propos semblent impossibles à résoudre.
En 1800, l'exploitation étant prolongée jusqu'à 80-90 m, il est devenu totalement impossible d'extraire les eaux.
En 1810, fort ralentissement. La veuve HARDY, maîtresse de l'ouvrage, demande qu'on évalue la galerie d'écoulement des eaux. En même temps, elle voudrait transférer, depuis l'alunière St Pierre, des ustensiles qui pourraient être utiles au Bois des Moines.
En 1812, l'alunière occupe 106 ouvriers sous la direction de la veuve HARDY et du sieur MELOTTE.
1822 voit la fermeture du Bois des Moines. Le 19 novembre 1824, devant le notaire FRAIKIN à la résidence de Chokier, a lieu la vente des "meubles et ustensiles qui ont servi à la fabrication de l'alun".
Reproduction de plan dressé au début du XIXème siècle, lorsque l'alunière du Bois des Moines se proposait de reprendre la partie Est située sur Chokier. Alors qu'auparavant l'officine se trouvait au pied du Trokay, elle est ici renseignée sur la colline. Serait-ce une conséquence des dégâts causés dans le bois par la pose des chenaux?
En 1827, une nouvelle demande de poursuite de concession est refusée par la Députation Permanente, les demandeurs ayant négligé de régulariser les précédentes.
On trouve une dernière mention du Bois des Moines dans un acte du notaire Delbrouck en 1834. Il met en adjudication le château d'Aigremont et signale que l'acheteur bénéficiera des redevances dues par le Bois des moines pour la faculté de se servir de "la bonne xhorre existante dans les biens compris dans le château".
L'emplacement de l'officine du Houlbouse doit avoir varié au cours du temps. D'une part, un acte du XVIIème siècle la situe à cheval sur le ruisseau. Un autre, de la fin du XVIIIème, nous dit qu'elle se dressait "derrière le moustler" (église), ce qui est très imprécis. Et sur le plan que nous possédons et qui date du début du XIXème (page 85), on la trouve sur la rive droite du ruisseau. Nous ne connaissons pas la durée de vie d'une officine et, dans ce cas-ci aucun acte ne révèle les raisons de son déplacement.
Quoi qu'il en soit, ces anciennes demeures auraient pu abriter des ouvriers de l'alunière...
---- Notes -----
1. J. Stiennon "Etude sur le Chartrier et le Domaine de l'Abbaye de St Jacques de Liège".
---- Sources -----
- Industries Liégeoises : Les Alunières à Flémalle et dans la vallée de la Meuse, Ed. Commission Historique de Flemalle - 1992