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Alunière du Château de Chokier - Alunière Saint-Pierre (FH – Trixhes)

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Les Charbonnages, puits et bures recensées sur Flémalle:

Les mines d'Alun ou Alunières:

Histoire locale liée aux alunières:

ALUNIERE St PIERRE

Alunière Saint-Pierre

Cette dénomination est due au fait que les terrains où furent exploités les schistes alunifères appartenaient la Collégiale St Pierre à Liège. Pendant plusieurs siècles, la quasi-entièreté de Flémalle-Haute a été la propriété de cette même Collégiale, nous y avons d'ailleurs déjà fait, allusion dans notre étude sur le Château de la Petite Flémalle.

L'alunière St Pierre fut très importante. On peut en juger par l'épaisseur des "terres rouges" accumulées au-dessus des roches, aux Trixhes. Dans une lettre adressée aux Echevins de Liège le 23 mai 1730, il est dit: "... qu'il est vrai qu'au sommet de la montagne il y a un mont de vieilles terres d'aluneries d'environ 30 pieds de hauteur" (environ 9 mètres).

Cette ancienne carte postale montre bien l'épaisseur de la couche de "terres rouges" au-dessus des rochers calcaires.

Il apparaît que l'exploitation du schiste alunifère a commencé au pied de la rue du Fort et s'est poursuivie en montant, jusque sur le plateau des Trixhes. Cette façon de procéder est logique car il fallait, parallèlement, prévoir une galerie d'écoulement des eaux, galerie qu'on prolongeait au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

Le premier bure s'appelait "bure quarré". Chaque bure portait un nom. Ainsi, nous avons relevé "bure d'Antoine", "fosse dite pelotte", "bure sous l'herby", "bure St Mathias", "bure de germé champs".

Ce graphique est extrait de "Trente sondages dans l'anticlinal carbonifère de Flémalle" (Ministère des Affaires Economiques - Administration des Mines - Service géologique de Belgique).

Ces sondages ont été nécessaires, avant d'entreprendre la percée du tunnel permettant de prolonger l'Avenue Gonda jusqu'au pont-barrage d'Ivoz-Ramet. Dix d'entre eux ont révélé la présence de schiste pyriteux, ce sont les numéros 3, 4, 7, 13, 14, 16, 17, 18, 19 et 20. Le n° 24 révèle que le schiste ampélitique a été exploité. Les auteurs de l'ouvrage ont en outre constaté que les schistes ampélitiques ont été exploités par galeries souterraines creusées sous le Thier des Trixhes, approximativement entre les cotes 70 et 80. Les sondages 24 et 25 ont traversé des schistes peu compacts descendus par foudroyage naturel, dans les vides résultant de l'exploitation. Des bois de mine ont été rencontrés. Le sondage 26 a traversé des schistes non exploités mais perturbés par la proximité des anciens chantiers. Les schistes n'ont pas été exploités sous la cote 70, vraisemblablement faute de moyens d'exhaure.

C'est donc ici, à la sortie du tunnel, que des sondages ont révélé la présence de puits d'extraction. Un document écrit vient d'ailleurs corroborer cette affirmation: " 4 février 1702 - au pied du chemin devant la maison Gabriel Fivé le vieux, un bur muré et remply d'où l'on a tiré boue et trigus d'alun" (la maison G. FIVE était en réalité le vieux moulin) … " un peu plus haut le long de la haie du dit Gabriel FIVE le jeune encore un autre puits".

Un autre puits d'extraction a été découvert lors de la construction de la nouvelle aile de l'école de l'Ermitage (aile aval), ce qui a nécessité un remblayage minutieux.

Il y avait encore un bure sous le préau de l'ancienne école qui s'élevait un peu plus haut à droite, dans le Thier des Trixhes (juste avant la maison portant le n° 112). Cette école a été démolie lors du percement du tunnel sous la route.

Les bures s'échelonnaient ainsi jusqu'à la petite salle de gymnastique que l'on découvre au bout de la rue Sapinière aux Trixhes. C'est par hasard que ce puits fut découvert car il n'existe aucun plan précis renseignant leur emplacement. Là aussi des travaux de remblayage ont été nécessaires.

Continuons à monter...

La petite clairière qui s'ouvre derrière la maison portant le n° 143 et qui fait partie du lieu-dit "l'herbier", laisse supposer qu'à un moment donné, les bassins de lessivage ont dû s'y trouver.

Les bassins auxquels nous avons fait allusion sous la photo précédente auraient pu être alimentes par l'eau de l'étang qui couvrait une partie de la place, face aux numéros 232 et 234 (on trouvait, là aussi, un puits à eau).

A mesure que l'exploitation progressait vers le plateau des Trixhes, les bassins de lessivage, de même que les fades, devaient aussi se déplacer. C'est ainsi que sur le plan, on les retrouve sur l'actuelle plaine de jeux. L'eau était alors amenée depuis le réservoir et le puits situés à l'extrémité de l'ancienne rue du Cheval.

Extrémité de l'ancienne rue du Cheval. Il faut remarquer que, toujours à l'heure actuelle, lors de fortes pluies, une mare se reforme à cet endroit, l'eau envahissant même le trottoir et la route.

Suivons maintenant, dans l'ordre chronologique, les principaux événements qui ont marqué la vie de l'alunière St Pierre.

Il est certain que l'alun a été fabriqué jadis sans qu'aucun acte écrit n'ait été conservé. C'est ainsi que, dans un document daté du 23 juillet 1598, on cite l'année 1502, mais sans aucune autre précision.

Il faut attendre le 21 mars 1586 pour lire: "St Pierre accorde à Jean BANELT, Jean WESTENRAEDE et consors l'autorité et le pouvoir d'ouvrir la terre en la hauteur de Flémalle pour y chercher mine de toutes sortes que trouver plomb, fer, chalmines, même kisses pour faire soufre et couperose et autres noires terres pour faire l'alun" Et dans la charte n° 1019 du 17 août 1588, "mise en sauvegarde de l'alunière par les huissiers d'armée du prince". Il est donc certain qu'à cette époque, on exploitait déjà l'alun à Flémalle-Haute.

Dès lors nous relevons une série de troubles et de procès. Par exemple:

"Le 5 avril 1590 - violent renversement, ruptures, coupures et taillage en pièces des dits tuyaux, buses, perchement des dites cuves, périssement des eaux, abattement des huttes et instruments des bures et fosses". De nombreuses contestations auraient surgi entre les DOYEN et Chapitre St Pierre d'une part, et les manants, et surcéants de Flémalle-Haute d'autre part. (Notons en passant que cette réaction devant une innovation existe toujours à l'heure actuelle).

En 1591 l'usine dispose de "3 grandes chaudières de plomb par lesquelles se cuisent les fortes eaux et lessives - une autre chaudière de plomb servant de refroidissoir".

En 1598 les manants désirent quand même se réconcilier avec leurs seigneurs. Ils reconnaissent donc que le droit de travailler les mines appartient à leur seigneur, le Chapitre St Pierre.

Le 16 juillet 1599 une convention est signée entre Jean Curtius, bourgeois et marchand, seigneur d'Oupeye et de Liège (notamment), et le Doyen du Chapitre St Pierre, pour un bail de 3 ans "CURTIUS acquiert pour lui seul le droit que ses consors possèdent au sujet des mines (droit d'extraire et droit de recherche)". CURTIUS chiffre à 10.400 florins brabançons les déboursements que lui et ses associés ont dû effectuer pour les entreprises de Flémalle. C'est peu de chose en réalité pour cet homme qui est le plus riche de Liège.

Et le 18 août 1600 "Jean CURTIUS obtient place pour faire paire a grand tilhou au chaffort".

Les différends vont se succéder entre CURTIUS et St Pierre. Après 1602, CURTIUS ne renouvelle pas son bail mais, faisant fi de cette convention, il fait foncer un bure et creuser une areine en 1618.

Le 4 mars 1619, on trouve une demande de visitation, coutume normale lors d'un changement de propriétaire. Cette demande concerne uniquement l'usine située au Chaffour. Ce sont Michel WALKENER (propriétaire du château de la Petite Flémalle) et Henry de HALLINGHE qui font la reprise à "Pierre CURTIUS, échevin de Liège, et damoiselle Francyke BEXHE, relicte de feu le sieur Jacques CURTIUS, enfant du dit Jean CURTIUS". A l'époque, l'usine comprend 5 fourneaux et chaudières. Son état laisse, fortement à désirer et les réparations sont conséquentes.

En avril 1620, les maîtres et comparchonniers de l'usine et ouvrage d'alun sont: Michel WALKENER, Lambert le CLERQUE, Henry de HALINGHE et Jaspar de TRIXHE. Le 11 août, M. WALKENER dresse une sixième chaudière, à l'encontre du contrat.

Le 13 octobre 1633, après un arrêt de plusieurs années de l'exploitation, Michel WALKENER achète les terres et minéraux d'alun "pour un terme de 14 ans commençant à même pour que l'usine soit usinante, voir la dite usine doit commencer avant 2 ans prochains au plus tard". M. WALKENER décédera en 1635.

Le 28 janvier 1648, pollution! Tiens ! Les habitants de Basse Avignon se plaignent des fumées de la fade .

En 1649, le travail est arrêté. En 1655, la paire est vendue à Jean de VILLEGIA, et le reste de l'usine à Jean François de SPRIMONT (petit-fils de M. WALKENER et constructeur de l'Ermitage) qui le cédera bientôt au premier nommé. Une visitation s'avère donc nécessaire. Apparemment, les dégâts sont importants car "place de l'usine au lieu des couvelettes y avons trouvé monts de terre... et ordures... et nécessaire de démolir les murs et caves sur lesquelles étaient assises les chaudières et de labourer et cultiver la cour…"

Le 23 novembre 1679, Englebert de MAGNERY (de Jemeppe) et Jean SACRE (de Chokier) sont qualifiés de nouveaux maîtres à partir de 1680, pour 15 ans.

Enfin, le 16 mai 1681, c'est la mise à feu des chaudières. Il a fallu "récupérer les minéraux abandonnés et submergés depuis de longues années".

Le 2 septembre 1682, les maîtres et comparchonniers de l'usine St Pierre, c'est-à-dire MAGNERY, SACRE, Louis BERLO et Jean DECHESNE, comparaissent, suite à la "réclamation de propriétaires de pièces de vignobles en thier des roches". Il est question de "dommages et dégâts causés par les fumées et puanteurs de l'usine". L'usine se situant au Chaffour et les vents dominants venant de l'Ouest, ce sont naturellement ces vignes qui reçoivent les nuisances.

Si de nombreux conflits éclatent, s'il règne un malaise chez les manants, il ne faut pas oublier que leur vie n'est pas rose. Outre les nuisances que nous venons d'évoquer, les exploitants des mines n'hésitent pas, bien souvent à se créer un chemin à travers les terres cultivées. Dès lors, il n'est pas étonnant de voir les manants poser des obstacles ou bien saboter les ouvrages. C'était leur façon d'apaiser leur colère. A cet inconvénient il faut encore ajouter les dégâts causés par le passage de troupes, tant françaises que hollandaises ou espagnoles. Non seulement les récoltes étaient piétinées, mais la population devait héberger les soldats, les rafraîchir, les nourrir, eux et leurs chevaux. Enfin, fermiers et surcéants étaient pressurés de toutes sortes de taxes, que leurs revenus soient assurés ou non.

Avril 1685: création d'une xhorre qui va tarir "plusieurs grandes et petites fontaines... tellement que dans tout le quartier des Trixhes il ne reste présentement qu'une source d'eau qu'on appelle le flot Marly où toutes les bêtes de ce quartier sont en été obligées d'aller boire". En outre, les fermiers "emploient les étrangers à leurs ouvrages préférablement aux surcéants et disent toujours avoir travaillé avec grande perte jusqu'ici à cause que les marchandises se vendent à trop bon marché".

Octobre 1685, autre problème celui causé, par temps de pluie, par l'eau qui descend des alunières, entraînant avec elle des terres d'alun qui causent la mort de haies et d'arbres fruitiers.

Les areines aussi ont toujours été sujet de discussion. En avril 1686, le Doyen J-F de Sprimont "intime les usiniers de ce qu'ils ont mis la main à l'areine et xhore qu'il dit lui appartenir".

Par contre, les surcéants de Flémalle-Haute se plaignent en juillet 1686 parce que "les eaux de la xhore sont venimeuses, corrosives, soufrées, infectées d'arsenic". Aussi, le 8 décembre suivant, "la cour de justice de Flémalle-Haute se rend en corps auprès du bassin de la fontaine communément appelé le chena qui est contigu à la maison du Révérend Doyen de St Pierre" pour vérification.

Dans un rapport du 8 décembre 1687, on apprend que "les mineurs reçoivent 12 patars par jours alors que les botys et botteresses en ont 8, 6 ou 5, sans distinction de sexe. Mais ces derniers travaillent, toute l'année. Les travailleurs à l'usine n'apparaissent qu'après la mise à feu. Il est utile de savoir que le travail extérieur, c'est-à-dire grillage et lessivage, était interrompu pendant les mois d'hiver où la gelée se manifestait. Par conséquent, le raffinage, qui se faisait à l'officine, manquait de matière première pendant un certain temps. D'où la nécessité de remettre le feu dans les fours, sous les chaudières, après les mois d'hiver.

On sait qu'à l'alunière St Pierre, les comptes sont tenus par quinzaine c'est-à-dire par période de 35 jours. Le début de l'exercice coïncide avec la remise à feu de l'usine, qui dépend des conditions atmosphériques. Généralement, l'usine ferme complètement ses portes en février et en mars. Le recrutement du personnel est aisé sauf pendant le mois d'août qui sollicite beaucoup de bras pour la moisson.

Fin 1687, suite à une plainte émanant des fermiers, les chanoines de St Pierre, J-Fr MARROTTE et M-J HASENNE, viennent visiter les usines que tiennent le sieur Sacré et consors. Il s'agit d'examiner "le lieu le plus propre à établir une xhore afin par là de rendre les ouvrages plus aises et ouvrables"... "ils ont commencé par le bassin de la fontaine communément appelé le chenna gisante icelle tout contigu de la maison du Révérend Doyen de St Pierre J-F de SPRIMONT et puis se transporte de la dite fontaine jusqu'au by (bief) conduisant l'eau sur le bas moulin proche de la maison Fivez (pied de la rue du Fort), pour examiner la pendée qu'il pourrait avoir depuis le dit by jusque au source de la dite fontaine". C'est dans le même acte que nous apprenons que le premier bure d'extraction s'appelait "bure quarré". Ce dernier étant submergé, il est nécessaire de créer une nouvelle xhorre tout en ne causant aucun préjudice à la fontaine en question.

Le 5 janvier 1688, les surcéants de Flémalle-Haute se manifestent. Ils craignent l'infection des eaux de la fontaine appelée "le chenna", son tarissement, le périssement des poissons; le bétail ne pourra plus s'abreuver, il deviendra impossible de laver le linge...

Le 21 janvier, le procès est porté devant l'official par les usiniers au sujet de la xhorre à entreprendre.

Le 23, St Pierre ayant défendu de travailler, Jean SACRE et Engl. MAGNERY, représentant feu Louis BERLO, se plaignent car "leurs ouvriers au nombre de 30 ou environ sont obligés de demeurer sans travail". Ils demandent au Chapitre de reconsidérer la demande qu'ils lui ont faite.

En attendant, les ouvriers manifestent leur mécontentement. Le 20 avril de l'année 1688, vandalisme au "bure quarré". On a "abattu les bois et voies souterraines qui servent à la conduite des eaux des maîtres de l'usine". En outre, on a "dérobé veloutes (fascines), bois, stansons (étançons) et xhorrons (madriers) et autres ustensiles servant à la conduite de l'ouvrage et usine".

Juin 1688, rencontre entre J-F de SPRIMONT et les enfants de feu Louis BERLO, "lesquels pour assoupir les procès et difficultés qu'ils ont à raison des fumées des fades de leurs ouvrages et d'écoulement des eaux, se sont entre accordé".

En 1689, les ouvrages sont submergés. Cependant une areine a été commencée 2 ans plus tôt, suite aux plaintes des fermiers.

Le 14 mai 1692, un acte constate une nouvelle fois la déprédation des installations. Le Chapitre demande au maire de faire son devoir. Ces "sabotages" ont pour but d'obliger les fermiers à abandonner leurs ouvrages car leurs façons de travailler contrarient constamment la population environnante.

12 mars 1693, "supplique des masuirs et autres surcéants au sujet du recès capitulaire (décision du Chapitre) du 5 mars 1693".

Précisons que le Chapitre St Pierre retirait de substantiels revenus des droits concédés tant aux exploitants des alunières qu'aux masuirs et membres des communautés villageoises et ce pour les mêmes terrains! Pareille situation ne pouvait évidemment qu'entraîner des réactions parfois violentes d'un côté comme de l'autre.

Comme nous l'avons signalé précédemment, les troupes causaient des dégâts sur leur passage. Pour preuve, le 14 juillet 1694, Marenne de SPRIMONT, veuve de Libert, se plaint d'avoir été pillée par les gens de guerre 7 fois en 3 semaines. Des faits semblables sont attestés le 9 mars 1695: des dégâts ont été commis dans les usines. Or, le travail venait encore d'être interrompu à cause de la sécheresse. En outre, les guerres qui sévissaient depuis 5 à 6 ans avaient été la cause du "peu de rapport des minéraux".

Le 29 mai 1696, Jean SACRE, Nicolas du GARDIN, Denys MANOY, Phil. François BUYRETTE et Louis BERTHON (ou BERLO), tous représentant Englebert MAGNERY, reprennent les ouvrages de terres et minéraux d'alun à Flémalle-Haute.

Dans un acte du 19 avril 1698, nous découvrons un nom connu aux Trixhes "Lambert MANTANUS, maître fadeur des usines aux aluns de Flémalle-Haute" et "Jean SACRE, maîtres d'iceux ouvrages et comparchonnier pour 1/3 part".

Le 18 juillet 1699, est signalée "la voie à la chaux", endommagée par les ornières. Cette voie était utilisée tant par les maîtres de l'usine d'alun que par ceux des fours à chaux. Il s'agit de la "ruelle à la Chaux" conduisant à la Meuse, et qui existe encore.

2 septembre 1699 , nouvelles déprédations: "qui sont ceux, celle ou celluy qui s'est ou se sont osé présumer le jour de St Laurent dernier retournant de minuit du cabaret de rompre et briser les conduits et canaux des eaux servant aux usines appartenant aux fermiers de messeigneurs les Révérends Doyen et Chapitre de St Pierre en Liège seigneur de Flémalle-Haute".

Le 29 janvier 1701, on reparle du "chenna": la cour de justice de Flémalle-Haute a visité "la fontaine voisine à la maison qui fut au très Révérend J-F de SPRIMONT Doyen de la Collégiale St Pierre en Liège tant en-dedans que dehors l'eau de laquelle avons trouvé trouble et après l'avoir goûtée avons trouvé icelle avoir un goût méchant semblable à iceluy d'alun".

La méthode appliquée pour l'extraction du schiste alunifère, appelée "par foudroyage", et expliquée précédemment, n'était pas sans inconvénients.

4 avril 1701: menace d'effondrement en surface, "Pierre SACRE fait défense et prohibition des maîtres de l'usine de Flémalle les Srs MANNOY (marchand bourgeois de Liège et l'un des maîtres de l'usine), Smackers et consors, de travailler les mines restant sous le fond du dit SACRE ... qui peuvent occasionner l'écroulement du dit héritage".

On retrouve ce même souci le 11 avril 1702: "réclamation de Elias au sujet de dommages dus à l'extraction d'alun sous une terre lui appartenant".

Et encore le 12 septembre 1751: "Gabriel FIVE le jeune a fait adjourner les Srs MANNOY, SMACKERS et CANTO le jeune, faire visitation maison dans laquelle ils se retrouvent plusieurs grands crevassements menaçant de crouler et aller en ruine".

Janvier 1702: problème d'eau. Lors des plaids généraux, des protestations s'élèvent à l'encontre des maîtres d'usine car "les eaux provenant de leurs ouvrages gâtent entièrement le rieu (ruisseau) et fontaine". Certaines personnes demandent aussi qu'ils rendent le chemin appelé herdavoye praticable, et protestent "contre le meunier du bas moulin de ce que par la retenue des eaux et de ce que en nettoyant le by ou rieu, ils jettent les trigus dans le chemin tendant de Flémalle à Souxhon entièrement impraticable au grand préjudice tant de la communauté que du public".

Septembre 1703, on reparle de pollution: "attention que les arbres étant dans son jardin vont toujours de mal en pis par les fumées". Et en mai 1707 "la communauté a aussi protesté contre les dits maîtres d'usine de ce que les fruits, arbres et vignobles sont notablement détériorés et souffrant grand intérêt au regard des fumées de leur fade et usine".

Au 1er avril 1718, il est intéressant de noter comme maîtres de l'usine St Pierre, Léopold Joseph de BONHOMME chevalier du Saint Empire, conseiller de la souveraine Cour Féodale de Liège (de Bonhomme était alors propriétaire du château de la Petite Flémalle), et Nicolas CANTO, chanoine et écolâtre de St Pierre.

Avril 1755, "à Jean COMHAIRE pour 30 pots de bière aux ouvriers de l'usine quand on posa les cuves". Il s'agit d'une coutume fréquemment mentionnée et que nous avions déjà rencontrée lors de nos recherches à propos de la construction du château.

En juillet 1755, on prend des précautions avant les pluies et les neiges hivernales "j'ai fait travailler à 2 couples afin d'avoir vidé les 2 tailles avant le rehaussement d'eaux qui se fait toujours en hiver".

Comme on le sait, l'entretien des areines est important. Le 8 octobre 1755 "Martin MALAISE déclare qu'il a travaillé comme ouvrier de fosse sous la direction de Pierre RENARD directeur des ouvrages aux alluns de la petite Flémalle à renettoyer et reboihir le voye de xhore depuis l'oeil jusqu'au premier bure".

4 février 1757 l'arpenteur certifie avoir mesuré "en commençant à l'oeil de l'areine qui est dans le vivier du bas moulin (pied de la rue du Fort) en montant jusqu'à l'onzième bure appelé bure au pougnette sur les Trixhes = 419 toises de 7 pieds (environ 840 m) ... Depuis le dit bure au pougnette jusqu au 13ème bure, 93 toises de 7 pieds et 4 pieds (environ 200 m)".

Treize bures ont donc été creusés dans l'exploitation de St Pierre. Nous ne les avons pas retrouvés tous.

En 1762 et 63, on a remis en état la petite et la grande usines. La petite contenait 2 chaudières. On ajoute une 5ème à la grande usine. En outre, "les cuves (bassins de lessivage) étant pour la plupart d'une caducité reconnue, ont été renouvelées et transportées tout contre le bure au pougnette où on a construit une nouvelle pompe avec son réservoir" (nous supposons que ce bure au pougnette est celui découvert par hasard lors de la construction de la petite salle de gymnastique aux Trixhes) ... "un nouveau jeu de chenals pour rejoindre la partie qui descend les roches a aussi été fait tout à neuf. L'écoulement des eaux étant bouché dans la xhore on s'est mis en devoir d'y remédier".

Le "jeu de chenals" qui descend les roches serait à l'origine du sentier qui va de la plaine de jeux vers les Chaffours car c'est là que se trouvait l'officine.

En 1763, "un bâtiment sur les Trixhes a été achevé iceluy servant, de forge au maréchal aussi bien qu'à retirer les outils, les chandelles, les bois, qui étaient ci devant exposés à être volés..." Il s'agit, bien sûr, de "la forge aux ânes" qui se trouvait, vers le milieu du terrain de football actuel et qui a été démolie précisément lors de la préparation du terrain.

La forge aux ânes", devenue, à la fin de son existence, une très modeste demeure où les habitants élevaient quelques bêtes.

Un acte nous apporte la preuve que le transport des boues d'alun était effectué par des ânes: "pour entretien de 4 ânes pendant cette année - pour achat de 2 autres et entretien d'icelles pendant 5 mois y compris le salaire du conducteur - 750 florins".

En 1765, le toit de la forge aux ânes brûle et le mur qui sépare l'étable de la forge doit êre réparé.

A partir du 1er juillet 1765, "l'alunerie de Flémalle-Haute est sous la direction de Messieurs HOYOUX de FROMANTEAU Jean et Antoine, députés au Chapitre Général de la Collégiale St Pierre". Et en 1770, l'usine est confiée à H.L. GIGOT, chanoine de St Pierre.

Le 30 octobre 1762, on lit: "il est tombé des pluies continuelles pendant 2 mois, qui ont entravé les travaux". Qui prétendra encore que le climat d'aujourd'hui n'est plus ce qu'il était?

Quelques noms relevés en 1764 parmi les ouvriers: Arnold PLENUS (maître ouvrier), A. MALAISE, Jacques MATHY, Henri JACOB, Pierre BERNARD, Jean BRICTEUX, Marie MATHY, Lisbette MARTIN, Jenton EPELVY, Gabrielle WERY, Jean JEUNEHOMME, Jean COMHAIRE (maître charpentier). Peut-être allez-vous y reconnaître quelque ancêtre ?

Mais intéressons-nous un instant à la production.

1755: compte des charrées d'alun fabriqué à Flémalle: 48 charrées à 2100 livres d'alun = 100.800 livres d'alun (St Pierre touche 962 florins sur un bénéfice total de 2.446 florins. Pas mal !)

1756: 86.883 livres d'alun

1757: 98.000

1758: 108.000

1759: le 30 janvier, un marché est conclu avec Mr Jean PLANCHART, chanoine de St Lambert, pour la future réédification d'une partie de l'usine à condition de livrer les matériaux pour la somme de 68 écus. 100.000 livres d'alun

1760: 96.355 livres d'alun

1761: 88.940

1762: 80.680

1763: 84.767

1764: 93.487

1765: 107.832

1766: 107.731

1767: 129.692

1768: 118.645

1769: 93.455

1770: 63.272, un certain Charles EVRARD est le conducteur des bêtes.

Pour assurer le grillage, de grandes quantités de bois étaient nécessaires:

17 novembre 1770: "François COMHAIRE mène 300 stansons (étançons) d'Ivoz au Chaffour". - "Mons. le Chanoine DUMEIR a payé à Jean ROUF 14 florins pour avoir mené 14 ploples (peupliers) avec 200 moussades (fagots)".

1771: 51.182

1772: 44.200, il a fallu "refondre les chaudières, réparer les fourneaux et faire les réparations qui seront absolument nécessaires, à moindre frais possible".

10 mars 1772: Jaspar BERNARD, maître ouvrier, est autorisé à "faire abattre la partie de bois St Remacle (Awirs) qui est à couper cette année conformément aux conditions de la reprise du dit bois" - et le 14 août de la même année: "Messeigneurs sont d'avis qu'on fasse porter les terres du bure d'Antoine sur la fade pour être mêlée et que le maître ouvrier achète 2 cordes de bois pour la fade" (1 corde = 2 1/2 à 5 stères selon la région).

Comme nous l'avons déjà signalé, le Chapitre St Pierre retirait de confortables revenus des alunières de Flémalle. Jusqu'en 1767, 100 écus étaient retenus d'office sur les revenus de l'usine pour St Pierre. Dès 1767, ce seront 200 écus.

25 septembre 1772: grève? " Mess. ont ouï leur maître ouvrier de leur alunerie de Flémalle au sujet des gossons (transporteurs) qui ont quitté l'ouvrage, sont d'avis qu'on augmente la voiture d'un demi liard par charge" (le liard = 1/4 de sou).

1773: 89.543

29 mars 1773, crise dans la vente des aluns. Les aluniers de la vallée mosane se réunissent et décident de réduire la production à 100.000 livres par usine. Les quotas ne sont donc pas une Invention récente.

De 1778 jusque 1783, on relève souvent le nom de Gille GRAINDORGE, qui loge dans l'usine.

Sous le régime français, c'est-à-dire après 1795, Maximilien HENNAY (d'Engis) et Gabriel ROME (d'Amay), possédant l'alunière de Chokier, projetteront de reprendre la concession de Flémalle-Haute. Déjà en 1787, Bois des Moines nourrissait le même projet.

Le 6 mai 1798: acte qui concerne la veuve HARDY (née Marie Anne SACRE et belle-mère de Rome) d'Ans et Jean ROBERT, banquier, son gendre "le Chapitre cède pour 80 ans le droit de travailler l'alun sous la juridiction de Flémalle-Haute. Les repreneurs devront livrer le 30ème du produit net de l'alunière ou en payer le montant au prix courant de l'année. Ce droit sera pour le gouvernement, le Chapitre étant supprimé. Le local de l'exploitation se nomme Flémalle-Haute".

En l'an 10 (1802) les archives signalent: "puits et galeries à bras" et "les nouveaux propriétaires seront chargés de l'entretien et des réparations des xhores et canaux de l'alunière de Flémalle-Haute".

En 1809, la veuve HARDY abandonne l'alunière St Pierre. Le 20 janvier 1810 un rapport dressé par un ingénieur approuve la demande que Rome avait formulée et souhaite que la fusion des 2 alunières se fasse rapidement car "la mobilité des terres alumineuses est telle et la pression qu'elles exercent est si considérable que les étais qui les soutiennent doivent être renouvelés ou réparés continuellement" ... "On peut en dire autant des bures à l'eau c'est-à-dire des puits qui fournissent l'eau au lessivage, des chenaux qui les conduisent, des bassins qui les reçoivent, et enfin des cuves elles-mêmes. Tous ces objets subissent nécessairement une grande détérioration s'ils cessaient pendant longtemps d'être assujettis à un service journalier". Et il ajoute "qu'il n'y a dans les environs aucun exploitant qui puisse actuellement donner de l'occupation aux ouvriers qu'elle employait, les fosses de Marhaie (Marihaye) commencent à peine à jeter de la veine et celles des Kessales sont encore loin de pouvoir être ouvertes". Enfin, dit-il, il n'y a pour occuper tous les bras des communes de Jemeppe, Flémalle-Grande, Flémalle-Haute et Chokier, que les bures du Bois des Moines et ceux qui ont été percés depuis quelque temps dans l'enceinte demandée par les Kessales, mais qui suffisent à peine à la subsistance de ceux qui les ont établis". Et il poursuit: "la galerie de St Pierre, qui était établie au point le plus bas où il soit possible de saigner la veine d'alun, doit être considérée comme l'espoir de toutes les alunières qui existent sur la rive gauche de la Meuse et comme devant leur offrir à toutes un dernier moyen d'épuisement lorsque leurs travaux seront portés au-dessous des areines qui les démergent actuellement. Sous ce rapport il est essentiel non seulement de veiller à l'entretien de la partie de cette galerie déjà exécutée, mais encore d'accélérer le percement de ce qui reste à faire pour qu'elle puisse remplir ce but important auquel sa position semble l'avoir destinée". Voilà qui montre bien l'importance de l'alunière St Pierre.

Le temps allait donner raison à cet ingénieur. En effet, un acte du 15 avril 1810 révèle que "l'œuvre de St Pierre est abandonnée par la veuve Hardy et la galerie d'écoulement des eaux, les biens et les ouvrages s'éboulent de plus en plus chaque jour".

Rome rappelle alors sa demande en concession et la réunion de St Pierre et Houlbouse, qu'il exploite. Il sollicite l'appui de Mr de CRASSIER, chef de division de Liège, "vu qu'un grand nombre d'ouvriers ont les bras croisés et attendent d'être réemployés à cette entreprise délaissée". Il déclare en outre "qu'il est le seul qui convient à cause de son exploitation de Houlbouse qui pourra à grand frais être bénéficiaire par l'areine de St Pierre plus profonde de beaucoup que l'autre".

Le problème suscité par l'écoulement des eaux dans les mines mettra longtemps avant d'être résolu. Il en est encore question dans une lettre adressée le 28 août 1810, par ROME, au Baron de MICOUD, Préfet du Département de l'Ourthe:

La galerie d'écoulement de l'alunière du Houlbouse descend vers Chokier. Elle est "totalement indépendante et séparée de celle de St Pierre" mais cette dernière ayant "une profondeur plus conséquente que l'autre, c'est ce qui incite le soussigné à demander à reprendre l'ouvrage de St Pierre dans l'espoir qu'en réunissant les deux ouvrages, ils se fructifieront l'un et l'autre ... Mais la galerie de St Pierre n'est poussée qu'à un tiers de distance des 2 bures et qu'il faut la poursuivre encore 2 tiers de plus pour atteindre l'ouvrage de Houlbouse".

Quant à la galerie d'écoulement de l'alunière de Flémalle-Haute, "elle se termine dans le chemin de la Moxhenière (ancienne rue GURDEBEKE) où elle verse ses eaux dans un petit aqueduc qui longe d'abord ce chemin et ensuite la grand route jusqu'à Meuse dans l'endroit appelé le chaffour". Or "cet aqueduc n'étant pas couvert, il se comble et s'obstrue et ces eaux n'ayant pas de décharge, elles se répandent sur la grand route et la rendent impraticable. Les voitures et charrettes s'y embourbent très souvent et ne peuvent s'en tirer que par le secours des habitants et chevaux de la commune et les efforts que l'on fait font que la plupart s'y brisent. La malle-poste et la diligence ont eu des accidents pendant l'hiver. Les piétons et cavaliers l'évitent. Pour remédier, il faudrait que la régie des domaines, propriétaire, prolonge la galerie depuis le chemin de la Moxhenière jusqu'à la Meuse en lui donnant la pente nécessaire. Les eaux sont imprégnées d'un sel tellement corrosif que les terres où elles se répandent sont impropres à la culture".

Enfin, le 1er octobre 1810, "la préfecture de Département de l’Ourthe arrête que Gabriel ROME est autorisé définitivement à entretenir provisoirement les travaux de l'usine St Pierre. Dame HARDY sera autorisée à remettre sur le champ les clefs de l'usine et des huttes élevées à l'orifice des bures. L'indemnité pour valeur des bures et machines laissées sera réglée et déterminée par le gouvernement".

En 1813, l'alunière est exploitée par Otto DARGENT, qui fut Conseiller Communal de Flémalle-Haute de 1821 à 1848.

En 1816, elle ne compte plus que 40 à 45 ouvriers. Elle chôme pendant 6 mois l'année et appartient au Domaine Royal.

En 1819, De VILLENFAGNE édite un ouvrage dans lequel il écrit:

"On obtenait il y a 12 ans, des mines ouvertes sur la rive gauche de la Meuse, 15.000 quintaux d'alun; et des mines ouvertes sur la rive droite, 1.000 quintaux".

Si ce n'étaient les terres rouges qui couronnent les roches, qui pourrait deviner que tant d'événements se sont passés dans ce coin de Flémalle-Haute?

Il s'agit des mêmes chenaux que ceux de la page 22, mais placés de façon à bien voir l'emboîtement femelle.

---- Sources -----

- Site de Chokier

- Industries Liégeoises : Les Alunières à Flémalle et dans la vallée de la Meuse, Ed. Commission Historique de Flemalle - 1992